jeudi 26 mai 2016

Les enfants terribles boudent la censure!




Publié par Esther Hardy le Jeu. 26 mai 2016 à 17h00 - Contenu original


Retour sur le gala des Olivier 2016

La 18e édition du gala Les Olivier s’est déroulée sous la controverse. Malgré l’important débat sur la liberté d’expression, de joyeux humoristes gagnants d’Oliviers ont franchi la salle de presse et nous ont partagé leur humanité, leur vision et leur joie de pratiquer leur métier.


En voici un résumé:






Entrevue avec Marianna Mazza:

Cette joyeuse verbomotrice a décroché l’Olivier du numéro de l’année avec son sketch : «Du sable dans le vagin». Déjà, le titre nous en dit long sur son outrageux courage à briser les barrières des non-dits et des vieilles mœurs dépassées.


Esther: 
Bravo Marianna, je suis heureuse de te voir là, ce que tu fais est très particulier. Aujourd’hui tu as gagné un olivier avec le numéro : « Du sable dans le vagin », mais il y a seulement 10 ans, ça n’aurait probablement pas été le cas. Notre cœur et notre tête sont mûrs pour l’entendre. La femme est prête.

Ton travail oblige à réfléchir, à repenser les mœurs afin d’arriver à une nouvelle compréhension, à une ouverture. En fait, tu décloisonnes des visions. Dis-moi, es-tu consciente non seulement de l’importance, mais aussi de l’impact de ce que tu fais?

Marianna:
Oui, je le sais et c’est pour ça que je le fais. J’ai toujours su que ce que j’allais faire changerait les choses. Et ça me touche, je suis vraiment contente. Pour moi, ce n’est pas les trophées ou la célébrité qui comptent. Ce que j’aime et ce que je veux, est de changer la perspective des gens….Afin qu’ils sentent qu’ils sont capables de changer les choses. Qu’ils sentent qu’ils sont des humains. Ils ont une bouche, un cœur et une tête et qu’ils peuvent parler!

Ça me touche qu’on me donne un micro et qu’on me donne le droit de parler! C’est plus important qu’un trophée. J’apprécie le trophée, mais le plus important est qu’on ne me censure pas.






Parmi la nouvelle génération d’humoriste, Marianna Mazza est l’une des exceptions qui ne se sont pas assises sur les bancs de l’École Nationale de l’Humour pour apprendre son métier!...Un témoignage de son tempérament fonceur et de sa singulière autonomie de pensée.




Stéphane Rousseau est rayonnant, il a reçu l’Olivier pour son spectacle : « Un peu princesse ». Heureux, il s’amuse comme un gamin devant les photographes en faisant mille poses avec son Olivier devenu téléphone, bébé, etc. Toujours aussi espiègle, il déborde d’enthousiasme.


Entrevue avec Stéphane Rousseau :


Esther:
Stéphane Rousseau, toi qui a une carrière impressionnante : humoriste, acteur, chanteur, animateur, etc. qui as travaillé en Europe autant qu’ici. Qui a marché sur le tapis rouge du Festival de Cannes, celui du Festival des films de Toronto, qui s’est longtemps produit en France, etc. Et ce soir, je te vois rayonnant et heureux de gagner ici, chez toi, à la maison. Je suis impressionnée.

Stéphane :
Oui, tu le dis « à la maison » et ça me touche beaucoup. C’est ici que ça compte le plus! Avec mes amis! Mon monde! C’est leur reconnaissance qui compte. C’est ici avec notre monde qu’on a besoin d’être reconnu et aimé.

En plus, ce spectacle-là n’a pas été facile à monter. J’ai pensé plusieurs fois à tout lâcher. Puis je me suis demandé combien ça coûterait, j’ai compris que ça serait trop cher! Je n’avais plus le choix. (Rires)



Esther:
Dans les moments difficiles où on veut tout lâcher, faire un effort de plus fait toute la différence?


Stéphane:
Oui, et en plus, ça faisait très longtemps que je n’avais pas fait de spectacle ici, 6-7 ans. Et c’est peut-être aussi ma façon de tirer ma révérence.






Authentique, humain, taquin, Stéphane Rousseau reste le même malgré tous ses succès et ils sont nombreux! Nous avions tourné ensemble sur le film « Les dangereux », et il demeure le gars espiègle toujours aussi accessible.





Portant toute la pression de la controverse sur ses épaules, notre chef de cérémonie François Morency a dû adapter son animation et toute sa présentation en conséquence. Malgré la plus grande situation de stress qu’il ait vécue en tant qu’animateur à quelques heures de l’ouverture du gala, il a réussi à intégrer ce chaos à la fête et s’en est très bien tiré.

Entrevue avec François Morency:



François :
Artistiquement, ma démarche de préparation est toujours la même. On n’est pas censé être nerveux la veille d’un gala. On doit s’énerver trois mois à l’avance parce que c’est le temps de s’entourer d’une bonne équipe, d’écrire les textes, de penser et de travailler en avance sur ce projet.


J’ai fait ça. J’ai une extraordinaire équipe de scripteurs et de metteur en scène. Ça, c’est la démarche!

Mais, il reste que tout ce qui est arrivé avec la situation qu’on connaît, il n’y a pas de formation pour apprendre comment la gérer. Ça arrive et tu dois vivre avec. C’est comme la première fois que tu vis un accident de voiture ou que survient une maladie grave dans ta famille. Humainement, tu ne sais pas comment tu vas réagir tant que tu ne vis pas la situation.





Bravo à François Morency, je lui lève mon chapeau pour avoir réussi haut la main à s’adapter à ce tsunami de polémique, s’ajustant élégamment et avec un extraordinaire talent d’improvisateur à cette situation inattendue.


À l’entrée du tapis rouge, les masques des humoristes marquaient le tempo pour la soirée. Chacun à danser sur ce rythme et le spectacle en a peu souffert, sinon pas du tout. La créativité était à son meilleur.



Soulignons les performances remarquables d’Anaïs Favron et d’Édith Cochrane qui se sont allègrement moquées des sempiternelles farces que les humoristes masculins font sur les femmes, dans un numéro très complice. La vengeance était douce, originale, bien écrite et présentée avec talent. Bravo les filles.






Et la cerise sur le sundae, la délicieuse Gaby Gravel (incarnée par Florence Longpré) nous a astucieusement conseillé comment éliminer la compétition. Florence a volé la vedette. Son idéateur Marc Brunet peut être très fier de ce personnage drôlement cinglé de l’émission : « Like-moi ». L’émission a d’ailleurs remporté l’Olivier pour la série humoristique à la télé.



Les enfants terribles ont marqué le coup avec deux hommages bien sentis pour Mike Ward, moments d’émotion dans une manifestation d’appui colossal pour leur compère qui a reçu deux Oliviers pour ses capsules humoristiques : « Mike Ward sous écoute » et l’Olivier de l’année. La fête des humoristes était drôle comme il se doit! Nous avons passé une excellente soirée!

samedi 14 mai 2016

Le coeur d'enfant est roi dans «Poésie, sandwichs et autre soir qui penchent...»



Publié par Esther Hardy le Sam. 14 mai 2016 à 15h11 - Contenu original


Pour une dixième année « Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent » invite le public à son rendez-vous annuel, présenté à la Cinquième Salle de la PDA jusqu’au 15 mai, toujours dans une mise en scène déjantée de Loui Mauffette.

Arriver à réunir en même temps sur une scène, près d’une trentaine d’artistes talentueux et très actifs est déjà un exploit en soi! Et ce n’était que le début… Laissez attiser le désir par ma chronique enflammée et vous planifierez peut-être quelques sorties poétiques, car ils jouent à guichet fermé cette année.



Habituellement diffusé en septembre, « Poésie, sandwich et autre soir qui penche » innove pour son 10e anniversaire en devançant ce spectacle.





La lecture de la description de ce «happening» hors du commun fait monter le plaisir dans l’expectative… Loui Mauffette, attaché de presse de profession, travaille dans l’ombre de ses comédiens et artistes depuis longtemps… Comédien de formation, fou et amoureux du verbe, de la musicalité de la poésie, il se lance! au départ pour rendre hommage à son père, Guy Mauffette poète radiophonique, puis par amour des artistes, de l’art, de la beauté…



Près d’une trentaine d’artistes, une quinzaine d’invités spéciaux et une vingtaine d’auteurs portés par ceux-ci, une scène, une vision, un rêve…c’est comme ça que tout commence dans la tête de Loui Mauffette. Et le résultat est fabuleux : une poésie à la fois déjantée, riche, éclatée, puissante et touchante.


Amoureux des mots, de la prise de parole, de la beauté, de la «Boîte à surprise», c’est votre rendez-vous annuel.

Accompagnez-moi dans cette expérience…

Dès l’arrivée, le public enthousiaste se précipite dans les gradins cherchant une place, sa précieuse place pour ce joyeux bordel. Au centre de la scène, des enfants courent, s’amusent sous la longue table jonchée de pilles de textes qui n’attendent que ses interprètes pour diffuser sa douce folie par les mots, ces jolis mots, ces mots puissants qui provoquent une gamme d’émotions toutes aussi surprenantes, différentes et nourrissantes les unes que les autres.




Les enfants crient, rient et s’amusent se faisant l’écho de l’excitation ambiante, miroir de nos âmes déjà engagées à s’amuser et à se laisser séduire. «Les gars courent les filles»…un jeu vieux comme le monde où la naïveté quant à l’instinct du futur désir se transforme en fougue enthousiaste et inépuisable…


Deux coups de sifflet, tout s’arrête! Le jeune garçon, un Gavroche éloquent et frondeur casse la glace et nous lance les premières paroles d’un poème de Baudelaire qui se termine ainsi:


« (… ) Il est l'heure de s'enivrer; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.»


Un nouveau coup de sifflet et oust! La récréation des petits prend fin, car c’est le moment tant attendu de celle des grands. Et ce n’était que le début.


Voilà Loui Mauffette qui fait son entrée, digne héritier de son père poète à qui est dédié ce «happening», instigateur et metteur en scène de ce joyeux et magnifique bordel de mots! Il en est le chef d’orchestre, la mère et le père à la fois.




Tel un maestro, il déploie son art avec une douce folie, à la fois subtile et complètement débridée.


« Le cœur d’enfant est roi, le cœur d’enfant fait loi! »


Accompagné mélodieusement au piano…


Et revirement, l’essence de « Sol et Gobelet » renaît! J’ai sept ans dans mon cœur avec ma tête d’adulte attendri, bien présente pour absorber le jeu de ces mille mots rythmés qui éclatent en feu d’artifice dans ma tête.


La musicalité des mots fait son oeuvre…






Le plaisir est si intense qu’on voudrait sauter sur scène pour joindre cette orgie du verbe! Plonger dans la somme incroyable d’énergie déployée par vingt-cinq artistes et comédiens qui dansent une sérénade de mots pour séduire l’esprit!!


Jouissif! Et pourtant, le but de cette joyeuse bande de saltimbanques n’est pas de faire beau, mais de faire étinceler et éclater la parole, et nous avec…


De la Chenelière à Nelligan, mon cœur bat au rythme des mots…


L'effervescence jubilatoire de Patrice Desbiens me réjouit dans son poème sur dieu…Et Becquet…et…je suis envoûtée.


Une pile de linge, de nouveaux costumes qu’on enfile comme les mots pour attiser le désir, satisfaire l’autre»! On se transforme, se dénude jusqu’au dévoilement ultime: «…Il en tomba combien dans cet abîme? » paroles puissantes de Marina Tsvetaïeva.






Prise de conscience, évocation de souvenir, dénouement d’énigme, réflexion aiguë, romantisme, moment de douceur et d’énergie…tout y est.


La mère accueille chacun de ses enfants en son repos…très touchant, accompagné de la chanson « Je m’en vais mourir dans un paradis blanc" de Michel Berger.


Parole douce qui se dépose avec bonheur en moi, comme une brise…


Qui éveille puissamment le désir de bouger, de changer les choses…


Ou encore cette parole évocatrice qui remémore quelques souvenirs intimes…


Avec une distribution impressionnante :


Nathalie Breuer, Anne-Marie Cadieux, Bénédicte Décary, Maxime Denommée, Sylvie Drapeau, Francis Ducharme, Kathleen Fortin, Stéphane Gagnon, Maxim Gaudette, Esther Gaudette, Roger La Rue, Simon Lacroix, Benoit Landry, Zacharie Le Blanc, Julie Le Breton, Mylène Mackay, Loui Mauffette, Pascale Montpetit, Iannicko N'Doua, Patricia Nolin, Catherine Paquin-Béchard, Sébastien Ricard, Jérémi Roy, Emmanuel Schwartz, Loïk Vezeau.


Et en plus, des invités spéciaux qui se mêlent à ces lectures festives :


Bernard Adamus, Marion Barot, Philippe Brach, Émilie Gilbert, Steve Laplante, Gabriel Lemire, Fanny Mallette, Ariane Moffatt, Yves Morin, Yann Perreau, Hubert Proulx, Gilles Renaud, Eric Robidoux, Mani Soleymanlou.


Sans compter les textes imposants des auteurs lus :


De Jim Morrison à Marguerite Duras, de Patrice Desbiens à Marina Tsvetaïeva, de Jean Genet à James Joyce, en passant par Jean-Sébastien Larouche, Marie Uguay, Claude Gauvreau, Maya Angelou, Arthur Rimbaud, Attila József, Émile Nelligan, Geneviève Desrosiers, Samuel Beckett, Tony Tremblay, et bien sûr… un peu de Guy Mauffette.



La mise en scène de Loui Mauffette, notre chef d’orchestre, est exceptionnelle! Il a trouvé une formule efficace pour faire étinceler une pure évocation poétique dans tous les types de paroles sans tomber dans une quelconque minauderie ennuyeuse.






À mes yeux de comédienne et d’auteur, Loui Mauffette a trouvé la formule gagnante, celle qui participe autant au plaisir du public qu’à celui des comédiens et des artistes. Un terrain de jeu où des indications sont données par le chef d’orchestre, tout en laissant une place à l’apport personnel, à l’improvisation, au talent d’émerger et de prendre toute la scène pour déverser son art avec poésie !


Ce spectacle me donne la conviction que tout peut être dit avec art. Que toutes les variations du cœur, ses couleurs et son unicité peuvent s’exprimer légitimement. Et plus cette lecture s’éloigne du scolaire, plus elle nous abreuve, plus on reçoit et plus on s’amuse des deux côtés du 4e mur.

Grosse brise d’air frais, de pure puissance, de désir de vivre et d’affirmer sa couleur.


On voudrait que jamais ne finisse ce concert de talent à mille interprètes où chaque parole des auteurs est portée avec amour et puissance.






Mon souhait...


Que « Poésie, sandwich et … » devienne le festival où comme ici la poésie s'incarne dans une mise en scène vivante et folle par de talentueux chef d’orchestre et amoureux des mots tel que l’est Loui Mauffette. Qu’une prise de parole, qu’une diffusion des mots de nos poètes se répercute puissamment avec art pour éveiller, enrichir et faire sourire. Qu’un haut-parleur vienne nourrir notre besoin d’entendre le fruit des réflexions de nos poètes qui se font parfois prophètes!


Cette dixième année était présentée comme « l’ultime et dernière édition »…souhaitons qu’il y ait une relève ou une récidive de bon aloi.