lundi 19 novembre 2018

Le Bilan de Marcel Dubé au TNM


Sylvie Léonard, Mathieu Quesnel, Rébecca Vachon et Rachel Graton


Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos: Yves Renaud 



Dans une ambiance de studio de télévision, la pièce Bilan prend place sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 9 décembre dans une mise en scène de Benoît Vermeulen avec les talents de Christine Beaulieu, Joseph Bellerose, Philippe Cousineau, Mickaël Gouin, Rachel Graton, Guy Jodoin, Sylvie Léonard, Jonathan Morier, Jean-Philippe Perras, Mathieu Quesnel, Denis Trudel et Rébecca Vachon. D’abord diffusée à l’émission Le théâtre de Radio-Canada il y a cinquante ans, l’équipe du TNM a judicieusement choisie de présenter la pièce le jour anniversaire de cette création initiale!  
 


Marcel Dubé 


Donc, le TNM qui célèbre aussi l’auteur Marcel Dubé, présente à nouveau cette pièce d'anthologie sur notre Québec des années soixante. Auteur de théâtre et du petit écran, il s’est fait le miroir de notre société des années 60-70. Auteur précurseur de théâtre au Québec où le burlesque, le vaudeville, les revues et les mélodrames occupent nos scènes, Bilan est une pièce qui témoigne de son époque en mutation, choisie parmi sa trentaine de pièces et de ses centaines d’œuvres tout médium confondu.



Rébecca Vachon, Denis Trudel, Joseph Bellerose, Guy Jodoin, Jonathan Morier,
Sylvie Léonard et Philippe Cousineau 


Dans ce drame social, on se plonge au coeur des années soixante et des dessous de la politique de fin de règne duplessiste chez une famille québécoise aisée. Le chef du clan, William Larose, homme d’action de droite s’il en est, s'impose comme le centre de l’univers de son petit monde pour lequel il décide avec rigueur de tous les détails. Dans ce Québec bourgeois où il est devenu un entrepreneur prospère en se bâtissant une belle carrière à partir de rien, William Larose a de grandes ambitions politiques et il est prêt à délier son portefeuille pour arranger les choses afin de ramener sa couvée dans ses vues.



Se coupant volontairement des rêves et aspirations de son entourage, cet homme cherche à tirer les ficelles et à coordonner des stratégies pour parvenir à ses aspirations. Sans un sourcillement sur les répercussions que ses décisions produiront, il met en péril l’équilibre de sa famille et en subira les conséquences désastreuses.


Guy Jodoin


Fougueux et très incarné, Guy Jodoin campe le personnage volontaire de William avec talent, il déborde d’énergie et nous offre un jeu vraiment exceptionnel. Un personnage très typé que ce William Larose, il nous le présente avec une vélocité et une aisance surprenante! Dans cette intrigue politico sociale relatant l’apogée d’une époque, on le sent dominer tous les interprètes sur scène.



Les choix de la mise en scène font ressortir ce personnage comme un despote entouré d’une famille qui a grandement souffert. Seul le plus vieux des fils, incarné par Mickaël Gouin, réussit à préserver sa liberté et trouve sa vengeance en choisissant de vivre sa vie à sa façon aussi délinquante puisse-t-elle être. L’épouse de William, bien interprétée par Sylvie Léonard, n’aura rien obtenu du fruit de ses désirs que l'espoir de conquérir l’homme qu’elle aime et avec lequel elle espère enfin une vie heureuse. 

 

Christine Beaulieu, Sylvie Léonard et Philippe Cousineau


Incarner par Philippe Cousineau, cet amoureux secret qui est aussi le bras droit de William, refuse de succomber aux charmes de l'épouse, par loyauté envers son patron et complice. Elle restera donc sur sa soif d’un bonheur légitime auprès d’un homme. Elle aurait pu le trouver auprès de son époux, mais celui-ci la considère uniquement lorsqu’il peut l’utiliser comme faire-valoir selon ses humeurs et au gré de ses ambitions.


Guy Jodoin et Sylvie Léonard



De plus, comme la scène principale se situe dans une soirée dansante, les jeunes personnages de Jean-Philippe Perras, Mickaël Gouin, Rachel Graton, et tout particulièrement Christine Beaulieu sont constamment sur scène et passent un long moment à danser durant les dialogues. Devoir se trémousser durant de longues scènes ne semble pas les fatiguer plus qu’ils ne le seraient dans une soirée de ce genre, ce qui confirme la justesse de la mise en scène et de l’interprétation. 



Jean-Philippe Perras, Mickaël Gouin, Christine Beaulieu et Rébecca Vachon


Malgré les revers de la domination paternelle, on sent la fougue de la jeunesse et à travers elle, on perçoit l’espoir des années soixante poindre par la juste interprétation des comédiens qui incarnent cette verdeur, cette quête de découverte d’une société plus ouverte et plus libre.




Christine Beaulieu, Jean-Philippe Perras, Rachel Graton et Rébecca Vachon




Les magnifiques costumes des années ’60 nous surprennent par leur élégance et leur design impeccable qui siéent chacun des personnages. Soulignons la beauté des coupes et la fidèle recréation de l’époque avec tout ce qu’on espère de "glamour" et de séduisant pour la jeunesse comme pour les personnages d’âge mûr. Les robes féminines et chics côtoient les habits masculins bien coupés dans cette ambiance festive de bourgeois bien nantis qui cherchent à briller!



Debout: Mathieu Quesnel,  Denis Trudel, Rébecca Vachon, Philippe Cousineau, Joseph Bellerose,  Jean-Philippe Perras et Christine Beaulieu
Assis: Rachel Graton,  Jonathan Morier, Sylvie Léonard, Guy Jodoin et Mickaël Gouin 



Une bonne pièce de théâtre, bien interprétée, avec une recréation fidèle et enlevante de l’époque.


Texte MARCEL DUBÉ
Mise en scène BENOÎT VERMEULEN

Du 13 novembre au 9 décembre 2018

mercredi 14 novembre 2018

L'Épopée du roi Marco - de Caroline Boivin - Roman fantastique



Il y a longtemps que je me suis autant passionnée pour un roman fantastique!  En fait, depuis la Tapisserie de Fionavar, je ne crois pas m’être plongée avec un si grand plaisir!  Vous savez, lorsqu’on voudrait avoir plus de temps pour dévorer son livre de chevet.  Et lorsqu’enfin on y retourne, on n’a pas à relire les vingt dernières pages pour se souvenir de l’histoire et voir monter sa ferveur. 

Pour un premier roman, cette nouvelle autrice étonne avec L'Épopée du Roi Marco, un récit fantastique de plus de trois cents pages! 

L’intrigue principale raconte les mésaventures d’une jeune fille, Sonia qui a dû assumer les responsabilités de la vie à un très jeune âge. Elle se retrouve dans les mauvais quartiers et doit inventer toutes sortes de stratagèmes pour se sortir des griffes d’un proxénète. Fougueuse et courageuse à la fois, elle vit toutes sortes de tribulations jusqu’à devenir un dragon. On suit aussi de nombreux autres personnages dans leur évolution, leur rencontre, pour ensuite découvrir le nouvel empire qu’ils bâtiront ensembles!

Publié en juillet dernier, par la maison d’édition québécoise Les Éditions TNT, la jeune autrice Caroline Boivin a eu plusieurs épreuves avant d’enfin arriver à terminer son récit.



Caroline Boivin


Passionnée de fantastique, elle réécrivait les finales de toutes ses lectures par frustrations de ne pas voir accomplir ses aspirations plus élaborées que celles choisies par l’auteur.  Alors, c’est armée de cette prolifique imagination qu’elle écrit L’épopée du Roi Marco.  Et le pire lui arriva, après l’écriture des cent premières pages, elle se fait voler son ordinateur et doit tout recommencer. Néanmoins, sa témérité l’a emmené à repenser chacun des chapitres précédemment écrits et à pousser encore plus loin pour les développer en finesse. Au final, elle considère que cet incident a considérablement  enrichi son roman et en préface, elle le souligne en remerciant les responsables de ce méfait.


La troisième de couverture, nous donne quelques indications supplémentaires sur l'histoire : « S’enfuyant de sa ville natale pour échapper à l’esclavage, Sonia rencontre une dame mystérieuse qui lui transmet son pouvoir de dragon. Découvrant ses nouvelles capacités, Sonia voyage et rencontre Elliot, le prince des Elfes en fugue. Ensemble, ils devront combattre un dragon, bâtir un nouvel empire, recruter et former des alliances. Le pouvoir et le trésor, le but ultime de tout dragon qui se respecte. »


Une des grandes qualités de ce roman fantastique est l'abondance des surprenants retournements de situation. On se demande même comment l’autrice a réussi à fignoler certaines résolutions pour sortir ses personnages de leurs mésaventures. Elle ne laisse rien au hasard et nous étonne constamment. Un roman longuement réfléchi, élaboré avec de bonnes idées pour en arriver à ce niveau de qualité imaginatif. Néanmoins, on sent qu’elle aurait pu développer davantage les derniers chapitres afin d’arriver à une finale aussi raffinée que toutes les intrigues de départ fertiles et bien exploitées. On sent sa volonté d’arriver rapidement à la fin et les chemins utilisés ont quelques raccourcis…





Dans une vision actuelle, on discerne les nouvelles règles sociales qui incluent des intrigues LGBT et la sensibilisation au racisme, aux luttes des différentes classes, etc…


Si ce n’est des nombreuses coquilles malheureusement négligées par le correcteur, je vous talonnerais pour que vous vous le procuriez. Néanmoins, les Éditions TNT sont aussi dans une période d’apprentissage. Chapeauté par un Organisme à but non lucratif qui se consacre à la réinsertion sociale, ils manquent affreusement de moyens et le volet édition est en développement.


Au moment d’écrire ces lignes, l’éditeur et l’autrice me confirment une nouvelle correction du roman… Donc, j’imagine que la réédition suivra…  À vous de décider si vous préférez attendre ou choisir l'édition actuelle, néanmoins l'histoire vaut vraiment la peine d'être découverte!

Bonne lecture!!!

lundi 12 novembre 2018

Entrevue avec notre diva - Diane Dufresne




Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos:





C’est en feuilletant le programme du Salon du Livre que j’ai appris la publication d’un nouvel ouvrage de Diane Dufresne! En cherchant des informations sur ce livre intitulé Aujourd’hui, ensemble et pour toujours relatant sa carrière en images, j’ai découvert que non seulement des photographies inédites de ses spectacles sont révélées dans ce nouvel ouvrage publié par Les Éditions Libres Expressions, mais aussi que la diva québécoise présentera une nouvelle série de concerts version symphonique à l’automne 2019! Et pour couronner cette triade créative de notre idole, elle lance simultanément un CD de nouvelles chansons : Vivre ensemble!



Pour accentuer le plaisir, nous avons eu la chance de la rencontrer pour une courte entrevue et dans le peu de temps qui nous a été alloué, Diane Dufresne a été généreuse, révélant ouvertement ses faiblesses et ironisant sur ses soixante-quatorze ans.



Voici l’entrevue dans son intégralité :









Le livre est une magnifique rétrospective en photos de toute sa carrière. Incluant une introduction de la chanteuse, ces photos nous révèlent des aspects inédits ou plus intimes et nous racontent sa vie en image. D’une grande créativité, ces images rendent hommages à plus d'une cinquantaines d’années de celle qui nous a mille fois enchantés de sa voix.



Diane Dufresne – Aujourd’hui, hier et pour toujours
Éditions Libre Expression, 192 pages.



CONCERTS EN MODE SYMPHONIQUE

Avec l’Orchestre symphonique de Montréal, ce sera à l’automne 2019 que nous pourrons assister au concert symphonique de la diva. Diane se produira à Montréal, Ottawa et Québec lors de ces concerts événements et elle interprétera de ses grands succès ainsi que des titres de son nouvel album Vivre ensemble




Montréal – 10 et 11 septembre 2019 avec l’Orchestre symphonique de Montréal
Maison symphonique de Montréal | Billetterie : 1 888 842-9961 | Achat en ligne




PRÉVENTE : Mardi, 30 octobre à 14h | MISE EN VENTE : jeudi, 1 novembre à midi
Montréal – SUPPLÉMENTAIRE – 12 septembre 2019 avec l’Orchestre symphonique de Montréal
Maison symphonique de Montréal | Billetterie: 1 888 842-9961 | Achat en ligne




Ottawa – 4 novembre 2019 avec l’Orchestre du Centre national des Arts
Centre National des arts d’Ottawa | Billetterie : 1 888 991-2787 | Achat en ligne




MISE EN VENTE : Mardi, 30 octobre à 17h
Québec – 26 et 27 novembre 2019 avec l’Orchestre symphonique de Québec
Grand Théâtre de Québec | Billetterie : 1 877 643-8131 | Achat en ligne

samedi 10 novembre 2018

Un Bonjour là bonjour très particulier au TDP

Francis Ducharme, Gilles Renaud et Diane Lavallée



Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos: Gunther Gamber



Le tragique côtoie étroitement le comique sur la scène du Théâtre Denise Pelletier ces jours-ci! Michel Tremblay nous fait voyager au-delà du prévisible dans son univers, nous étonnant dans des recoins de la vie quotidienne où on ne s’y attend pas. La pièce Bonjour là Bonjour mise en scène par le directeur artistique du théâtre, Claude Poissant, est présentée jusqu’au 5 décembre! 





 Annette Garant, Diane Lavallée et Francis Ducharme


Serge, interprété par Francis Ducharme, revient chez lui après un voyage de trois mois à Paris et se retrouve harcelé par chacun des membres de sa famille qui cherchent à illuminer leur vie en s’épanchant ou en quémandant sa présence à tour de rôle. Avec un père confus, trois sœurs, deux tantes et une amoureuse, il se sent interpellé!  Il est divisé entre son désir de faire sa vie et celui de leur faire plaisir ou de leur rendre service. Leurs demandes d’attention sont toutes aussi insistantes! On comprend leur volonté dès qu'on sent la stagnation du quotidien et leurs prisons personnelles que sa visite vient égayer pour un temps.



« Quand c’est arrivé, c’était tellement beau, puis effrayant en même temps! »



Geneviève Schmidt, Francis Ducharme, Diane Lavallée, Mylène MacKay et Annette Garant


D’une écriture très élaborée et extrêmement bien conçue, néanmoins ce texte présente probablement un grand défi à la première lecture. Toutefois, il révèle toute la beauté de sa structure dans une mise en scène intelligente.  En fait, cette écriture dévoile le génie de l’auteur québécois, Michel Tremblay qui a vraiment peaufiné un petit bijou! Nous avons été oubli par sa façon particulière de concevoir l’ordre des répliques en trois conversations simultanées, de façon si adroite, que le public ne perd aucun des fils des dialogues et comprend tout! Et le poids dramatique qui s’entremêle entre chacune des vies révèle toute l’étendue de l’intrigue. Cette écriture fait échos au bombardement que subit le personnage principal durant toute la pièce!  Du génie !!!!



« Si personne t’écoute, c’est parce que t'es plate! »



Francis Ducharme et Gilles Renaud



Gilles Renaud incarne le personnage d'Armand, un père de famille classique, assez conservateur, en fait, un bon vieux québécois plein de bonhomie, comme on les connaît. On le découvre ici dans un type de jeu que nous n’avons pas l’habitude de le voir travailler. Ce comédien d’expérience approfondit un personnage plutôt passif, bien incarné dans nos racines québécoises, différent de son casting habituel, souvent plus volontaire.



« Je m’en viens assez cochonne en vieillissant, ça se peut quasiment pas! »



« L’autre étape c’est l’over size! 
C’est ce que je me disais en regardant la tarte à farlouche dain yeux! »



Mireille Brullemans,  Geneviève Schmidt ,  Mylène MacKay et Francis Ducharme 





De plus, Geneviève Smith nous a beaucoup étonnés dans le rôle de la sœur plus dégourdie. Habituée à la voir dans des personnages discrets, intérieurs, dramatiques comme celui de Jessica de la série Unité 9, elle est ici à l’opposé parfait : extraverti, drôle, ricaneuse, moqueuse, un brin déjantée…Elle nous a beaucoup fait rire! Notons qu’elle démontre un talent remarquable dans cette variation de rôle!




  Mylène MacKay  et  Francis Ducharme



Une scène libre entourée de murs divisés par quatre ou cinq entrées surprend par la simplicité efficace de ce décor. Des projections sur les murs enrichissent l’ambiance au gré des scènes. D’un musée à Paris jusque dans la maison familiale, la versatilité de ce décor lui permet de se prêter à tout.



« My god, c’est vrai que tu es une tapette manquée. 
J’en ai rêvé! C’est vrai que c’est ce qui peut t’arriver de mieux. »



Un spectacle bien conçu, très bien joué, extrêmement bien écrit et qui révèle une intrigue vraiment inédite. Si vous avez envie de voir quelque chose d’à la fois familier et de très différent, c’est au Théâtre Denise Pelletier jusqu’au 5 décembre.


AVEC
Sandrine Bisson, Mireille Brullemans, Francis Ducharme, Annette Garant, Diane Lavallée, Mylène MacKay, Gilles Renaud et Geneviève Schmidt  
CONCEPTEURS - COLLABORATEURS
Assistance et régie
Alain Roy
Scénographie
Olivier Landreville
Costumes
Marc Senécal
Lumières
Alexandre Pilon-Guay
Musique originale et Conception sonore
Laurier Rajotte
Maquillages
Florence Cornet
Accessoires
Étienne René-Contant


dimanche 4 novembre 2018

Et si Astérix était Québécois...



Texte original d'Esther Hardy
Photos sur les lieux: Esther Hardy


C’est dans une ambiance festive que nous avons assisté au lancement du nouveau livre de Tristan Demers qui cette fois se penche sur un grand village gaulois : Astérix chez les Québécois. Une potion magique verte en main et de l’autre, le nouvel ouvrage de cet auteur prolifique, nous avons pu rencontrer quelques-uns de ses amis et eu la chance de discuter avec cet auteur original! Sympathique d’entendre son éditeur et complice chez Hurtubise, le taquiner avec humour dans la langue gauloise d’Assurancetourix, sur son cheminement de travail de rédaction et celui tout aussi important, de négociation, pour arriver à ce bel ouvrage.


En ouvrant le volume, je m’attendais à découvrir une histoire originale de nos mythiques personnages gaulois sur fond de décor d’érablière, Obélix se délectant de tire d’érable avec une spatule dégoulinant en main sur la première image, pimenté de clins d’œil entre les deux peuples. 




Tristan Demers





Mais c’était sans connaître le plaisir que prends Tristan Demers à plonger dans des quantités effarantes de références afin de bien approfondir un sujet, comme il l’a fait dans ses précédents ouvrages : Tintin et le Québec et Emmène-nous à la Ronde. Donc, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant un livre trois fois plus volumineux qu’un exemplaire classique des aventures d’Astérix, avec de nombreux parallèles et des références extrêmement intéressantes entre les Québécois et nos héros gaulois, et ce, couvrant les dernières quatre à cinq décennies!


Ayant reçu l’autorisation et les encouragements des éditeurs français, ainsi que des auteurs héritiers : Jean-Pierre Ferri et Didier Conrad, Tristan Demers a pu plonger dans des recherches élaborées pour relever les similarités entre le peuple gaulois isolé dans une mer romaine et nous, les irréductibles Québécois francophones au milieu de la mer anglophone d’Amérique du Nord. Soulignant ainsi le miroir éloquent du peuple gaulois pour nous !!





Dans les amis présents, le sympathique Ghislain Taschereau





Pour mieux saisir son cheminement, voici l’entrevue prise sur le vif avec l’auteur Tristan Demers :


Esther:
Bonjour Tristan, bienvenu à Esther aux premières loges. Aujourd’hui, grand jour du lancement d’Astérix chez les Québécois. En ouvrant ce volume, je croyais retrouver une histoire et j’ai plutôt découvert un super documentaire.


Tristan:
C’est ça! En fait, c’est une histoire! Mais c’est notre histoire racontée à travers notre relation particulière avec Astérix. De par notre spécificité culturelle, nous sommes à quelque part des Gaulois en Amérique. Alors, depuis longtemps, soit près de 50 ans, même de 60 ans à la limite, depuis les tous débuts de la Révolution tranquille, nous récupérons cette idée d’analogie avec Astérix. Et j’avais envie de le raconter en images d’archives. Afin d’y arriver, il m’a fallu deux ans et demi de boulot pour trouver toutes les informations et entre autres, rencontrer quatre-vingts personnes.



Esther:
D’après ce que j’ai pu comprendre, vous avez aussi eu la collaboration de l’éditeur?

Tristan:
Ah bien oui! Il fallait travailler avec des ayants droits de l’œuvre d’Uderzo et de Goscinny qui s’assuraient de protéger leur marque et leurs personnages. Ils ont bien collaboré. Il y a eu des ajustements d’ordre cosmétique, mais sur le fond, ils ont embrassé l’idée de parler de société et à la limite, de parler un peu de politique avec Astérix! Ils ont embarqué et on a vraiment travaillé en collégialité avec eux. 


Tristan Demers



Esther:
Est-ce qu’ils nous connaissaient assez pour savoir qu’il y a vraiment une parenté?

Tristan :
Oui puisque Uderzo et Goscinny venaient souvent au Québec dans les années 60-70-80! En fait, pour ce qui est d’Uberzo, parce que Goscinny nous a quittés en ’77. Néanmoins, ils venaient souvent au Québec.  Et surtout à cette époque-là, on parlait beaucoup de notre différence. 
Ils m’ont écrit pour m’expliquer qu’ils avaient apprécié le livre et particulièrement parce qu’ils ont appris des choses. Par exemple, ils ont aimé quand j’ai mis la main sur une action qui a été faite ici il y a trente ou quarante ans, sans nécessairement les consulter et demander la permission à leur équipe à Paris. Je parle ici d'événements qui étaient restés dans les secrets québécois, dans les archives nationales.


Esther:
Des événements que seulement les Québécois connaissaient?

Tristan:
Voilà! Alors, eux aussi ont découvert des pans de notre histoire et des similitudes.



Esther:
OK donc, si je comprends bien, les Français aussi se sentent différents?

Tristan :
Les Français sont soixante-dix millions en France, ils n’ont pas le même rapport que nous avec eux-mêmes. Ils ne sont pas du tout en rapport sociétal avec ce qu’ils sont, versus leur langue etc. Donc, c’est deux visions complètement différentes. Mais à quelque part, ce n’était pas non plus l’intention des auteurs que de se dépeindre en tant que peuple! 
Nous, on y voit bien ce qui fait notre affaire en lien avec nos combats! Qui ne sont pas ceux des Allemands par exemple! Après la France, l’Allemagne est le pays où Astérix est le plus prisé selon ce que j’en sais. Et les Allemands n’ont pas les mêmes combats d’identités que nous. C’est autre chose, un autre pays, c’est une autre culture. Ils ont leurs propres raisons d’aimer Astérix et nous avons les nôtres.  



Ma potion magique et le livre de Tristan Demers





Esther :
Tout à fait! Merci beaucoup Francis Demers…

Tristan :
Tristan…

Esther :
Oups, désolée, trop de potion magique!!!



Cet ouvrage est définitivement une nourriture culturelle enrichissante et féconde de nombreuses réflexions sur notre identité…!  Il ne nous manque qu’un bon druide comme Panoramix pour concocter une potion magique afin de nous faire respecter et retrouver notre dignité! 


Bonne lecture! 

Toutes les choses parfaites - un 1er 5 à 7 chez Duceppe



François Simon Poirier


Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos: Duceppe


La nouvelle direction artistique chez Duceppe innove avec Les 5 à 7 théâtre, collation, bière inspirés du concept écossais A play, a pie and a Pint. La première édition est présentée du 30 octobre au 23 novembre avec la pièce Toutes les choses parfaites de Duncan Macmillan, jouée en solo par François Simon Poirier sur une scène dénudée, mettant ainsi en avant-plan le talent du comédien et la mise en scène de Frédérique Blanchette qui prennent toute la place, emplissant l’espace de leur magie.


Toutes les choses parfaites
est un texte que je qualifierais inspirée d’une naïveté adulte. Il innove donc les 5 à 7 installés dans un local de répétition, en arrière des décors du théâtre Duceppe qui est, somme toute, très confortable. La proximité du public-comédien crée une ambiance à la fois intimiste et engageante, car le public est invité à improviser, jouer ou intervenir durant la représentation.




François Simon Poirier



À notre arrivée au théâtre, des placiers nous guident dans les coulisses jusqu'à la salle où nous sommes accueillis par une équipe qui nous propose quelques victuailles. Trente minutes après l’ouverture de la salle, nos hôtes poussent les réchauds, le mini-bar improvisé et la bouffe. C’est le moment : place au théâtre!  Et dans une ambiance très conviviale, avec sa bière en main, le public se laisse charmer…



La pièce débute dans le regard d’un garçon de sept ans qui désire sortir sa mère d’un perpétuel état dépressif. Cherchant à la faire sourire, il lui fait une liste des moments merveilleux de la vie. Le garçon vieillit, au même rythme que sa liste s'enrichit... Candide, François Simon Poirier aura demandé au préalable à quelques personnes du public, de l’accompagner pour incarner les personnages secondaires et même d’improviser des saynètes pour personnifier quelques moments clefs.



François Simon Poirier



Au fur et à mesure de la pièce, il les interpelle et leur demande d’incarner des personnages du récit, soit à leur siège en restant assis, soit debout ou même en allant le rejoindre sur scène. Sans aucune obligation, le comédien leur propose de jouer avec lui sous les encouragements du reste du public que la situation égaye et amuse, rendant tout le spectacle encore plus convivial.



Si vous aimez la bière et les Diner Kraft sur le pouce, vous serez servi à souhait dans cette ambiance intimiste où on a l’impression d‘entrer dans les secrets des mystérieux arrières scènes des productions  chez Duceppe. Et vous aurez l’occasion de déguster le tout devant un spectacle divertissant, simple et efficace.




François Simon Poirier



Texte Duncan Macmillan
Traduction Jean-Simon Traversy
Mise en scène Frédéric Blanchette
Interprétation François-Simon Poirier
Lumières Renaud Pettigrew
Décor et accessoires Jeanne Ménard-Leblanc
Assistante metteure en scène et régisseure Charlie Cohen

jeudi 1 novembre 2018

Des souris et des hommes chez Duceppe


Benoît McGinnis et Guillaume Cyr


Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos: Duceppe



Benoît McGinnis et Guillaume Cyr se donnent la réplique sur la scène du Théâtre Jean Duceppe dans la pièce Des souris et des hommes, mise en scène par Vincent-Guillaume Otis et présentée jusqu’au 1er décembre. De plus, des supplémentaires les 24-25 et 29 novembre ont été annoncées avant la première représentation. On le comprend, car selon nous, cette production serait la meilleure version de ce drame auquel nous ayons assisté sur scène.



Guillaume Cyr incarne le naïf et légendaire personnage de Nellie avec une grande vulnérabilité. Touchant, dans une économie de moyen et une simplicité de bon aloi, il arrive à nous communiquer le conflit entre ses incapacités et sa force. Les combats intérieurs de cet enfant dans un corps de géant nous habitent et sa naïveté bien incarnée nous interpelle. On y croit! On est touché par son dénuement et ses maladresses.




 Benoît McGinnis et Guillaume Cyr 




Naturellement, son fidèle compagnon et protecteur George, assumé par Benoît McGinnis vient régler ses conflits et arranger les choses à sa façon pour cacher son incapacité à comprendre, dans un monde où il sera toujours malhabile, incapable d’assumer les conflits entre sa force et sa compréhension qui résultent invariablement en de nombreuses bavures. C’est très touchant de goûter à la complicité qui s’installent entre un homme de peu de moyens et un autre très habile qui joue son ange gardien. D’autant plus, lorsque il a une confiance aveugle en celui qui de complice et protecteur devient son bourreau… 



Vincent-Guillaume Otis
Crédits photo : Julie Perreault


Le comédien Vincent-Guillaume Otis qu’on a l’habitude de voir au petit écran (Rupture, Disctrict 31) ou sur les planches, a déjà quelques mises en scène à son actif! Après un stage avec Reynald Robinson en 2002 et auprès de Robert Lepage en 2005, il a fait quelques mises en scène à l’Université de Montréal, puis celle de la pièce Ceux que l’on porte pour le Théâtre Petit à Petit.


Sans vouloir mélanger le travail et la vie privée, il côtoie personnellement la déficience intellectuelle, puisque son frère en est touché. Son expérience a sûrement contribué au réalisme de ce drame, car nous pouvons dire que c’est la meilleure version de ce texte que nous ayons vu sur scène, justement à cause de sa vraisemblance qui lui donne toute sa crédibilité et qui nous touche en se révélant, se déposant en nous efficacement. Donc, on a ici une meilleure compréhension du cœur de ce drame par une expertise confirmée et une sensibilité aiguisée du metteur en scène.



Benoît McGinnis, Maxime Gaudette et Guillaume Cyr


Maxime Gaudette ( Le retour de Don Juan, L'ImpromptuPoésie, sandwichs et autre soir qui penchent...nous offre un Curley très assumé, viril, tel qu’on s’attend d’un homme de pouvoir, possessif et qui désire avoir un ascendant sur ses employés. Son épouse, Maé incarnée par Marie-Pier Labrecque (série O), qu’on a l’habitude de voir dans des rôles d’ingénue, est très crédible dans cette jeune femme pleine de désirs qui mariée ou non, cherche à se distraire jusqu'auprès des hommes.




Marie-Pier Labrecque et Guillaume Cyr



Des Souris et des hommes nous plonge dans la trame où se tisse les souffrances humaines.  Des souffrances générées par les conflits sociaux, comme la lutte des classes, le racisme, l’âgisme, le rêve hollywoodien, la précarité des conditions de travail et de vie, ainsi que l’illusion de se croire capable de changer ses conditions, en fait, tout y passe. Le texte est beaucoup plus riche et émouvant que ce dont nous nous souvenions.


La scène où Nellie fait sa plus grande maladresse est mise en scène avec doigté, simplicité et finesse. Nous rendant ainsi toute l’histoire acceptable… 


Luc Proulx, Maxim Gaudette, Benoit McGinnis, Guillaume Cyr, Gabriel Sabourin,
Mathieu Gosselin et Marie-Pier Labrecque  



Encore une fois, malgré mon expérience au théâtre, je suis toujours étonnée de voir que le public saisit si bien les conventions théâtrales… l’efficacité et la simplicité des moyens, comme l’éclairage qui divise les lieux, etc.

Un excellent spectacle à voir jusqu’au 1er décembre chez Duceppe!



Texte : John Steinbeck
Mise en scène : Vincent-Guillaume Otis
Traduction : Jean-Philippe Lehoux
Interprétation :
Benoit McGinnis, Guillaume Cyr, Nicolas Centeno, Maxim Gaudette, Mathieu Gosselin, Marie-Pier Labrecque, Martin-David Peters, Luc Proulx, Gabriel Sabourin