samedi 27 avril 2019

Chansons pour filles et garçons! - Réjouissante folie contagieuse





Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos:
 Yves Renaud



Digne héritier de son père Guy Maufette, l’animateur radio légendaire des Soirs qui penchent et éternel amoureux de poésie tout comme lui, Loui Maufette récidive avec Chansons pour filles et garçons perdus.  Dans une création du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui en coproduction avec la Place des Arts, ce spectacle issu de son imagination débordante est présenté jusqu’au 4 mai 2019 à la Salle principale du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui, pour ensuite emménager à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu’au 19 mai 2019!


« Mon enfance est un printemps de fin du monde. »
- Guy Mauffette






Une quinzaine d’interprètes unissent leur voix, conjuguées par leur talent de lecteur et clament les textes de poètes et d’auteurs québécois choisis pour célébrer leur parole, leur poésie, s’édifier et se dépasser.  C’est ce côté bon-enfant et ludique que Loui Maufette a voulu conjuguer dans ces inspirants textes qu’il nous présente sur scène. Comme un enfant qui a préservé le feu de sa jeunesse, il cherche ces moments à la fois ludiques et intimes, qui dès qu’ils sont partagés, deviennent publics par la puissance éjaculatoire de leur parole!




 



Chansons pour filles et garçons perdus s’inscrit dans la même lignée que ses précédents et célèbrent partys jubilatoires Poésie, sandwich et autres soirs qui penchent qu’il a présenté durant une dizaine d’années et dont nous avons eu le bonheur de couvrir lors de la dernière édition, présentée au printemps 2016. 






Entendre la magnifique voix de Pierre Lebeau lancer des verres de Denis Vanier!
Voir Marie-Jo Thério nous chanter avec passion l’un de ses poétiques textes au piano …







Ou entendre…« Tiens la porte aux dames et ne les pénètrent pas à moins qu’elles ne le demandent! » réciter par Macha Limonchik dans cet extrait d’un texte d’Évelyne De la Chenelière…



Ou voir Kathleen Fortin s’éclater sur les paroles de Josée Gagnon « …et le vagin n’avait plus d’ami… », après nous avoir gratifiés d’une chanson de François Cousineau qu’elle interprète à la manière de Diane Dufresne : «...Si c’est ça la vie, j’aime mieux mourir tout de suite! »…






Revêt un immense plaisir!


Réjouissant, effervescent, Chansons pour filles et garçons perdus, tout comme l’était Poésie, sandwich et autres soirs qui penchent est un spectacle festif parfait, où les interprètes vivent des moments d’effervescences et de folies volontaires, avec de magnifiques montées dramatiques sur lesquels ils dansent allègrement et foncent tête baissée avec le cœur enflammé saisissant toutes les occasions de s’éclater!  Le public ressent leur fort plaisir, y adhère totalement et devient complice!






La mise en scène complète cette heureuse mixture et nous surprend par moment. On ressent ici la touche de Benoît Landry, le chef d’orchestre des joyeuses et esthétiques mises en scène du Cirque Éloize qui se fait complice des inspirations de Loui Maufette.






La majorité des textes sont livrés de mémoire, d’autres sont lus, certains sont plus assimilés que d’autres, néanmoins ils sont tous très bien interprétés.  Avec la fougue de Loui Maufette, on peut imaginer que quelques-uns des textes choisis l’ont été à la dernière minute sous l’impulsion du processus des répétitions afin d’ajouter la touche de perfection finale de ces réjouissantes envolées.



Lors de la pause, les interprètes qui normalement en profitent pour reprendre leur souffle, nous attendent dans le lobby du théâtre pour partager un verre de jus de fruits et de boisson alcoolisée, comme une absinthe au milieu de tant d’inspiration avec cette belle gang de saltimbanques! La scène se démocratise et les rencontres avec le public font partie des plaisirs que les interprètes et concepteurs désirent partager…






Si la littérature, la poésie québécoise, les envolées d’inspirations et les scènes éclatées vous émeuvent! Si se mêler à vos comédiens favoris et les voir passer du chant à la parole avec fougue, un jeu complice et nourrissant, vous fait le moindrement vibrer, vous serez amplement servi dans cette envolée d’enfants terribles! 


Un spectacle plus que réjouissant!





Idée originale et direction artistique : Loui Mauffette
Mise en scène :  Loui Mauffette, Benoit Landry


Avec Nathalie Breuer, Kathleen Fortin, Guido Del Fabbro, Émilie Gilbert, Roger La Rue, Benoit Landry, Pierre Lebeau, Jean-Simon Leduc, Gabriel Lemire, Macha Limonchik, Mylène Mackay, Catherine Paquin Béchard, Jean-Philippe Perras, Adèle Reinhardt, Marie-Jo Thério

mercredi 10 avril 2019

Fascination pour - La face cachée de la lune




Texte original d'Esther Hardy
Crédits photos: David Leclerc



Parmi les talents incontestables de notre Robert Lepage national, on remarque son incroyable facilité à porter un regard poétique sur différents objets. Utiliser leur similitude de formes pour leur donner de nouvelles vocations.   Le metteur en scène joue avec notre imaginaire pour créer des liens, de nouvelles images qu’ils greffent de façon organique à la scénographie de son spectacle. Primée ici et ailleurs dans le monde, sa pièce La face cachée de la Lune est une grande ode à ce talent! Présentée chez Duceppe jusqu’au 11 mai, Yves Jacques seul sur scène y incarne le personnage principal et ça va de soi, la mise en scène est de Robert Lepage.






« Un cosmonaute est quelqu’un d’inspiré,
un astronaute est quelqu’un de bien financé! »






Robert Lepage a assumé le rôle-titre lors de la création initiale de La face cachée de la Lune au Théâtre du Trident en 2000.  Depuis, la pièce a fait un grand tour du monde : de Barcelone à Moscou, jusqu’en Corée et naturellement en Amérique où elle a été jouée plus de 300 fois. C’est Yves Jacques qui depuis 2001, s’est vu confier l’unique rôle par un Robert Lepage très confiant. Son succès est éloquent, la pièce joue perpétuellement à guichet fermé!






« La Terre est le berceau de l’homme.
Mais l’homme ne va pas passer toute sa vie dans son berceau! »







Durant les années soixante, fasciné par la conquête de l’espace et plus spécifiquement celle vers la lune, notre grand créateur et metteur en scène utilise cette fascination pour faire un parallèle entre le quotidien d’un homme qui n’arrive pas à décrocher ses rêves et celui de son jeune frère dont la vie est beaucoup plus trépidante. 






« Ici sur Terre, on est prêt à faire bien des bassesses
pour attirer l’attention de l’être aimé! »


Dans cette pièce, la scénographie prend vie et incarne la vision onirique du personnage principal.  Elle devient ainsi sa réplique, son complice, sa conscience même.  Accompagnée de projection où on voit la conquête de l’espace, les premiers pas sur la lune, etc. cette mise en scène permet de nous situer dans l’époque et de faire les liens avec la vie du personnage, ses difficultés, ses espoirs et réussites! 







« Comme la majorité des homos que je connais, il est riche,
il a une grosse maison et il est chanceux! »

Pièce autobiographique, l’événement ayant marqué l’imaginaire de toute une génération et de toute une société même, Lepage utilise cette conquête de l’espace pour plonger dans des parallèles de prime abord improbables qui se révèlent tout à fait géniaux. Du microcosme au macrocosme et à l’inverse, Yves Jacques se transforme sous nos yeux et revêt tantôt le visage de la mère, tantôt son frère, etc.… La versatilité d’interprétation de ce grand artiste est ici amplement mise en valeur.





Conception et mise en scène : Robert Lepage
Interprété par : Yves Jacques

Du 3 avril au 11 mai 2019 – COMPLET
Chaque midi de représentation, quelques billets seront remis en circulation (au prix courant)
Durée : 2 h 10 sans entracte

lundi 1 avril 2019

Britannicus - Le pouvoir despotique - selon Florent Siaud




Sylvie Drapeau et Francis Ducharme



Texte original dEsther Hardy
Crédits photos Yves Renaud




Sylvie Drapeau est méconnaissable dans la pièce Britannicus de Racine présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 20 avril, dans une mise en scène de Florent Siaud dont on a déjà constaté la qualité du travail (Don Juan revient de guerre) dans une précédente chronique. Une solide distribution composée de Marc Béland, Sylvie Drapeau, Francis Ducharme, Maxime Gaudette, Marie-France Lambert, Éric Robidou et Évelyne Rompré incarne cette pièce tragique. Florent Siaud est fidèle à ses comédiens, on comptait déjà Maxime Gaudette, Marie-France Lambert et Évelyne Rompré dans sa précédente production de Don Juan revient de guerre.




Maxime Gaudette, Sylvie Drapeau et Francis Ducharme



Britannicus est une pièce en vers sur les combats pour le pouvoir au sein d’une famille royale. La mère Agrippine (Sylvie Drapeau) règne à travers son fils Néron (Francis Ducharme) jusqu’à ce qu’il manifeste un excès de pouvoir et fasse enfermer Junie (Évelyne Rompré), l’amoureuse de son demi-frère Britannicus (Éric Robidou) dans la crainte d’un coup d’État. La belle Junie prise entre son amoureux Britanicus et Néron dans un triangle amoureux, hérite de cette nouvelle conquête sans l’avoir désiré. Car Néron est idéaliste, déborde de l’orgueil de la jeunesse et tel un despote sans compassion, il est mû par un désir de régner à sa façon, affranchi de l’influence de sa mère et avec toute la fermeté qu’il juge nécessaire.





Évelyne Rompré et Éric Robidou



« D’une beauté que l’on vient d’arracher au sommeil. »


On sent poindre son arrogance dès son entrée en scène où il se présente dans le costume d’Adam sous les vapeurs de la douche. La magie du théâtre nous cache sa nudité qu’il arbore avec provocation. Pour cette première mise en scène au TNM, Florent Siaud pousse ses comédiens à affirmer leurs intentions avec une subtilité étonnante pour qui ne connaît pas l’histoire.




Sylvie Drapeau et Francis Ducharme



"J'embrasse mon rival pour mieux l'étouffer!"


Sylvie Drapeau incarne le personnage d’Agrippine, mère de Néron et malgré les nombreuses occasions où nous l’avons vu sur scène, on assiste ici à une métamorphose tant dans son énergie que dans sa voix si bien que c’est à peine si nous l’avons reconnu. Comédienne accomplie, elle a un riche prisme de jeu et sait nous surprendre dans une Agrippine à la fois acerbe, déterminée, dramatique, mais toujours capable de douceur! Un paradoxe bien interprété dont cette talentueuse comédienne a le secret.




Évelyne Rompré, Marc Béland et Éric Robidou



"Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs!"


C’est une Évelyne Rompré fragile qu’elle nous présente dans son personnage de Junie. L’ayant vu cet automne dans  Le ptit gars de Ville-Marie avec ses multiples personnages dont un très fort conseillé masculin, son talent est mis en valeur avec encore plus d’évidence et elle est naturellement très crédible, juste et très inspirante dans son personnage de Junie.





Marc Béland et Francis Ducharme



La belle voix de Francis Ducharme projetée à souhait dans un Néron charismatique, rend ce personnage puissant impossible de le détester malgré la force de sa véhémence!


 
Francis Ducharme, Éric Robidou et Marc Béland


On sent que le pouvoir du texte en vers devient un support supplémentaire dans le travail d’interprétation des comédiens. Très agréable à entendre, la pièce se transforme malgré la tragédie, en une poésie soutenue et très agréable à écouter!

À voir au TNM jusqu’au 20 avril



Texte RACINE
Mise en scène Florent Siaud

Production Théâtre du Nouveau Monde
En collaboration avec Les songes turbulents, compagnie de création

Du 26 mars au 20 avril 2019

Marc Béland, Sylvie Drapeau, Francis Ducharme, Maxime Gaudette, Marie-France Lambert, Éric Robidou, Évelyne Rompré.

Durée du spectacle : 1 h 45, sans entracte



Marie-France Lambert