mardi 31 janvier 2017

Siri VS Laurence Dauphinais




Publié par Esther Hardy le Mar. 31 janvier 2017 à 16h51 - Contenu original

Crédit photos: Julie Artacho


En coproduction avec le Festival TransAmériques et avec le soutien du Phénix – scène nationale Valenciennes, la compagnie La Messe Basse reprend sa pièce « SIRI » à la salle Jean-Claude Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 4 février. Il s'agit d'une pièce signée Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais, qui est aussi la seule interprète humaine de ce spectacle. Car l’intelligence artificielle la plus utilisée au monde est sa compagne de jeu un peu inhabituelle.


D’abord présentée en laboratoire à guichet fermé au FTA en 2016, les auteurs cherchaient à y exposer SIRI afin qu’elle livre ses secrets. L’excellent accueil du public a fourni du matériel supplémentaire aux auteurs, leur permettant d’aller plus loin dans leur quête de connaissance de l’intelligence artificielle. Ils ont donc retravaillé le texte afin de le réorienter pour mieux dévoiler Laurence, cette talentueuse interprète, et la mettre au même pied d’égalité que sa protagoniste électronique.




"Siri adore rendre service, c'est sa vocation."


Curieuse d’en connaître plus, j’ai rencontré la comédienne férue de technologie. Voici ce que Laurence Dauphinais dit de son expérience innovatrice au théâtre…


Esther :
Est-ce une conversation « Live » avec la vraie SIRI qui se fait donc sans filet?


Laurence :
C’est la vraie SIRI, la grosse majorité du spectacle est live. Je pourrais avoir exactement la même conversation avec elle si je prenais n’importe quel iPhone dans la salle, et faire une grosse partie du spectacle. Naturellement, j’ai certains contacts dans mon téléphone que j’utilise durant la pièce et qui nourrit l’histoire. On se garde néanmoins une sécurité pour atteindre certains pivots dramatiques qu’on doit vraiment aller chercher. Parce qu’on a constaté que SIRI était parfois rébarbative, donc on a seulement préenregistré quelques répliques afin d’emmener le dialogue vers où on voulait pour s’assurer d’atteindre ces aspects clés. On a alors une sécurité que la conversation ira dans la direction voulue.


Esther :
Elle est donc très prévisible?


Laurence :
Après des heures et des heures d’exploration, nous avons vraiment créé le show autour de ce qu’elle nous a donné comme réponse. Par exemple, si tu poses à Siri la même question de trois façons différentes, elle peut te répondre des choses complètement différentes.







Étonnement, Siri apprend de leur intense travail; c’est ce qu’ont constaté les auteurs en conversant avec elle pendant deux années assidues. C’est donc une quête aussi sociale que technologique dans laquelle Carbonneau et Dauphinais se sont lancés.



De plus, comme la pièce est une conversation live, une réelle aventure en direct au cœur de la technologie, Carbonneau et Dauphinais ont peaufiné leur travail afin de permettre au public de s’accrocher davantage à la quête de Laurence.



Et je peux vous assurer que leur objectif est atteint, cette talentueuse interprète se dévoile sans retenue jusque dans son intimité afin de nous accompagner dans cette conversation-tutoriel avec SIRI. D’une transparence sans équivoque, Laurence impressionne par son courage et sa générosité, n’hésitant pas un instant à se dévoiler pour le bien de l’œuvre qu’elle sert.







Je ne m’attendais pas à être aussi touchée, non seulement par la relation de Siri-Laurence et la trame dramatique, mais surtout par l’audace de cette jeune comédienne déjà très solide qui, contrairement aux rôles habituels, ne revêt pas un personnage. Elle joue carrément elle-même en s’adressant directement au public. Sans prétention, elle se met complètement à nue avec un naturel désarmant et toute la fougue de sa jeunesse.


La nudité morale et intime impliquant grandement plus que celle physique, je vous laisse le soin de découvrir sous quel aspect cette quête à la fois pédagogique et enrichissante saura vous toucher...


En y pensant… Beaucoup de films ont été produits sur l’IA (Intelligence artificielle), aussi imaginatif les uns que les autres, mais en vrai où en est la technologie actuelle sur ces compagnons virtuels? Peut-on s’en faire réellement un ami?


C’est ce que vous découvrirez au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui dans la pièce SIRI…jusqu’au 4 février.




lundi 16 janvier 2017

8 de Mani, c'est quoi?




Crédit photos: David Ospina

Publié par Esther Hardy le Lun. 16 janvier 2017 à 16h30 - Contenu original

Après « Ils étaient quatre » et « Cinq à sept », voici que Mani Soleymanlou récidive avec « 8 », sa dernière pièce qui boucle sa trilogie… Mais est-ce vraiment une pièce de théâtre? La question se pose, enfin c’est ce que les interprètes se demandent dès la levée du rideau...

Sur fond de répétition, chacun des protagonistes joue son propre rôle dans ce groupe de comédiens de la génération Y qui se rencontrent et se questionnent sur mille et un sujets qui les touchent. Conscients de leur privilège, ils se font un point d’honneur de trouver comment offrir le meilleur spectacle à leur public qui s’est déplacé pour les voir… N’est-ce pas une excellente entrée en
matière!?


Et c’est exactement ainsi que le spectacle fut créé à la base, ce jeune auteur et metteur en scène original désirait poursuivre sa trilogie par ce troisième volet, et dès le début des répétitions, lui et ses partenaires de jeu se sont demandés pourquoi ne pas parler de sujet-clef, regarder les en jeux réels de notre société et faire en sorte d’offrir un meilleur spectacle...



Mani Soleymanlou et Julie Le Breton


Alors au lieu de nous présenter exclusivement le résultat final, ils nous invitent à les accompagner et à refaire ce processus qui les a amené à cette conclusion. Des réflexions à la fois saines et fortes qui incitent à se questionner sur sa propre place et son incidence dans une société en mutation…





Geneviève Schmidt


Un des moments forts de ce party-introspection de groupe est lorsqu’ils dansent sur la voix
profonde de Léonard Cohen.



Et tous réagissent de façon différente, tantôt philosophique tantôt terre-à-terre, mais toujours directe et honnête, créant des quiproquos intéressants et souvent loufoques. Chacun mets à profit sa spontanéité, son style, son charisme, sa force de caractère, ses convictions, son émotivité, ses défenses, sa personnalité et sa sensibilité pour se mêler à cette conversation décousue et combien cocasse…

Le résultat est vraiment bon…

De plus, nous avons eu la chance d’entendre la superbe voix de Kathleen Fortin, autre moment fort du spectacle.



Jean-Moïse Martin, Mani Soleymanlou, Julie Le Breton, Emmanuel Schwartz, Éric Bruneau et  Guillaume Cy
r.



Ce qui m’a le plus amusé est le style coloré de chaque interprète. Juste de regarder cette troupe de comédiens bigarrés, debout les uns à côté des autres sur scène, déjà on voit ici une panoplie de huit types physiques extrêmement différents. Une riche troupe de comédiens hétéroclites qui, à l’image de leurs répliques, est toute aussi pittoresque.


Geneviève Schmidt, Kathleen Fortin et Mani
Soleymanlou


De plus, chacun est très fort dans son pôle, sa force, ses pensées, ses réactions, sa façon de raisonner, les enjeux qui le touche et qu’il désire partager pour mettre sa vision à profit.

Un spectacle très original qui peut surprendre si on s’attend à une pièce de théâtre traditionnelle. Mais si vous avez vu les deux précédentes, vous retrouverez la jovialité déjà rencontrée, signature des textes et de la mise en scène du prolifique Mani Soleymanlou. Et n’hésitez pas à vous y introduire pour la première fois, ce sera rafraîchissant à souhait.




Texte, mise en scène et interprétation de : Mani Soleymanlou


Avec la collaboration des interprètes : Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Kathleen Fortin, Julie Le Breton, Jean-Moïse Martin, Geneviève Schmidt et Emmanuel Schwartz.

Du 10 au 28 janvier à la Cinquième salle de la Place des Arts.